Réfugiés: Sophie, 26 ans, bénévole anti-frontièresContributeur | Elena Bizzotto (CFPJ) | 05/08/2014
Engagée dans l’aide aux réfugiés auprès de l’association Dom’Asile, Sophie les accompagne dans leurs démarches administratives une matinée par semaine. Portrait d'une bénévole qui milite contre "l'anti-démocratie"."Par cohérence, je me suis dit que je devais faire quelque chose au lieu de râler." Sophie Eustache, bénévole à l’association Dom’Asile depuis près d’un an, n’hésite pas à s’impliquer à fond pour les causes qui lui tiennent à cœur. Assise à la terrasse d’un café parisien en attendant que la serveuse apporte le petit déjeuner, elle déballe des feuilles, du tabac et des filtres pour rouler une cigarette d’un geste mal réveillé. Cheveux châtains bouclés, yeux noisette, blouson en cuir et Dr Martens bordeaux aux pieds, Sophie alterne le look de journaliste sérieuse au magazine Industrie et Technologies en semaine, et celui d’une militante habituée aux "manifs" le reste du temps.
Chaque samedi matin, de 9h30 à 13h, elle apporte son aide à
Dom’Asile, une association qui offre une aide administrative aux demandeurs d’asile tout au long de leurs démarches. Sophie est en charge de l’accompagnement aux droits sociaux. Elle s’installe dans les locaux de l’association et reçoit les demandeurs d’asile qui font la queue depuis l’ouverture. Ils viennent se faire aider dans les procédures liées aux problèmes administratifs comme la Sécurité sociale, la Poste ou les amendes. Pourquoi s'investir dans une telle association? A-t-elle rencontré une personne réfugiée qui lui aurait donné envie d'agir? Pas du tout. Cette action, elle la considère simplement "cohérente" avec ses idées.
"Toute migration est légitime""Je trouvais le comportement vis-à-vis des réfugiés anti-démocratique au possible. Je suis contre les frontières", explique-t-elle en dévorant une tartine beurrée."Je considère que toute migration est légitime: on ne quitte pas son pays, ses amis, sa famille et son travail si on n’y est pas obligé. Ces personnes ont fait des sacrifices pour venir en France." En septembre dernier, fatiguée de lire des histoires de centres de rétention et de traque des sans-papiers dans les journaux, elle fait une recherche internet pour trouver une offre de bénévolat qui l’intéresse. "Je traversais une phase de ma vie où j’avais besoin d’occuper mon temps libre", lâche-t-elle, énigmatique. Le moment idéal pour concrétiser son envie d’agir.
Son engagement aux côtés des réfugiés ne surprend pas ses proches. "Elle m’avait déjà donné son point de vue sur les questions d'immigration et d'accueil des étrangers avant qu’elle ne devienne bénévole", se rappelle Elodie, une collègue de bureau. Quand les intermittents du spectacle ont
occupé le Carreau du Temple au mois de mars, Sophie s’y est intéressée naturellement, "pas seulement parce que c'était en bas de chez elle", raconte Elodie, à titre d’exemple. "Mais vu qu'elle a des intermittents dans son entourage et que par principe elle soutient leur cause, depuis elle n'arrête pas." Chaque semaine, elle participe à des assemblées générales, des réunions de soutien ou des manifestations.
Aînée d’un frère et d’une sœur, Sophie pose un regard responsable sur les situations qu’elle affronte au quotidien. Une attitude qui peut se révéler utile chez Dom’Asile. Comme la fois où un homme a dû être réorienté vers une structure plus adaptée car, "désespéré, il se raccrochait à Dom’Asile d’une façon exagérée", jusqu’à se montrer menaçant. Un épisode qui a "perturbé les permanences", explique-t-elle avec retenue.
"Exporter son engagement""Si je devais changer quelque chose aujourd’hui, je ferais en sorte que chaque demandeur d’asile ait un toit, car la plupart sont à la rue. Je fermerais les centres de rétention et j’essaierais d'élargir les critères d’immigration par le travail", dit-elle d’un ton calme, en rallumant sa cigarette.
Aujourd’hui, elle milite en offrant son temps aux réfugiés. Demain, elle s’imagine faire du photojournalisme (engagé bien sûr) en Turquie, où des amis l'attendent. La situation politique et sociale que traverse le pays s'y prête tout particulièrement. Elle a déjà commencé à réunir ses photos de manifestations et de voyages sur un
site internet. "J’aimerais partir pendant trois ou quatre ans mais pas plus. Je ne me vois pas quitter Paris définitivement", ajoute-t-elle.
Sophie finit son café, range ses cigarettes et demande l’addition. Elle part manifester avec les intermittents du spectacle, appareil photo à la main. Pas le temps de râler, trop de projets l’attendent.
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