La loi Hadopi, qu'est-ce que c'est?
Le projet de loi "Création et Internet", ou " loi Hadopi", a été adopté le 12 mai 2009 et censuré par le Conseil Constitutionnel le 10 juin 2009. Le 15 septembre, Hadopi 2 est à son tour adopté. "Riposte graduée", "Haute autorité": il est semé de plusieurs termes plus ou moins obscurs. Que signifient-ils et quelles mesures sont inscrites dans la loi ? Explications.
Pourquoi le nom de "Hadopi"?
Le "projet de loi Hadopi" tire son nom de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) qu'il instaurera. Cette Hadopi contrôlera et punira le cas échéant les internautes qui se livrent au téléchargement illégal.
Le texte avait auparavant été surnommé "projet de loi Olivennes", car il est issu des accords de l'Elysée, signés le 23 novembre 2007, qui s'appuient sur le rapport de Denis Olivennes. L'ex-PDG de la Fnac et actuel directeur de la publication du Nouvel Obs a mené, à l'automne dernier, une mission sur la lutte contre le téléchargement illicite et pour le développement de l'offre culturelle légale sur Internet. Il avait alors auditionné tous les acteurs du secteur pour parvenir à cet accord.
Le projet de loi présenté en juin 2008 en Conseil des Ministres est finalement baptisé "Création et Internet".
En quoi consiste cette de loi?
La loi vise à enrayer le téléchargement illégal de musique et/ou de films. Pour ce faire, le texte institue un mécanisme de "riposte graduée ", sous la houlette de la Haute autorité administrative.
Lorsqu'un internaute téléchargera illégalement une oeuvre musicale ou cinématographique depuis Internet, il sera rappelé à l'ordre, d'abord par l'envoi de mails d'avertissement puis, en cas de récidive, d'une lettre recommandée, et enfin par la suspension, voire la résiliation de son abonnement Internet.
Quels sont les avantages de la "riposte graduée"?
Selon le ministère de la Culture, le transfert de responsabilités de filtrage et de sanction à l'Hadopi permettra un repérage plus rapide des internautes en infraction. Auparavant, seul le juge pouvait décider d'une sanction à l'encontre des pirates.
De plus, le fait de recevoir des rappels à l'ordre permettrait, toujours selon le ministère, d'arrêter les comportements de piratage occasionnel. Selon l'un des conseillers de Christine Albanel, alors ministre de la Culture, "la future loi s'appuie sur les réussites qui ont déjà été constatées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne (...) Dans ces pays, une grande majorité des pirates arrêtent les téléchargements illégaux après deux ou trois avertissements". Le nouveau ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a repris le projet de loi.
Pourquoi le texte a-t-il fait polémique ?
Les opposants sont nombreux : associations d'internautes, de citoyens, députés européens et français, avocats... Le magazine SVM a également lancé une pétition en ligne contre le texte. Ils jugent la mesure de suspension de l'accès à Internet "disproportionnée", puisqu'elle impliquerait une "mort sociale électronique" de l'internaute visé par la sanction.
Le Parlement Européen a, de son côté, voté le 10 avril 2008 une résolution qui "invite la Commission et les États membres à éviter de prendre des mesures qui entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de l'Homme et avec les principes de proportionnalité, d'efficacité et de dissuasion, telles que l'interruption de l'accès à l'Internet."
En France, la CNIL et l'Arcep se sont également prononcées contre ce projet de loi. L'Arcep arguant que le principe de "riposte graduée" plaçait les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) en contradiction avec plusieurs textes existants (obligation de "garantir un accès ininterrompu aux services d'urgence" par exemple).
La Cnil, elle, considérait que, juridiquement, cette loi poserait un problème de "proportionnalité entre l'atteinte à la vie privée (collecte de masse d'adresses IP, coupure de l'accès Internet) et le respect du droit de propriété (la protection des ayants droit)."
Autre problème, le fait que le repérage des pirates se fassent par des sociétés privées. Ce sont en effet les ayants droit et les producteurs qui repèreront les internautes contrevenants sur le Web, qu'ils signaleront à la Hadopi. De telles enquêtes relèvent actuellement de la compétence judiciaire.
Obstacle supplémentaire, et non des moindres, au niveau de la technique cette fois: les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne sont pas, pour le moment, en capacité de filtrer l'ensemble du réseau. Pourtant, c'est auprès des FAI que la Hadopi récupèrera les coordonnées des pirates.
L'internaute irréprochable qui ne télécharge pas, ou uniquement sur des plateformes payantes, n'est pas à l'abri des sanctions pour autant... Il peut lui aussi faire l'objet d'un rappel à l'ordre par l'Hadopi. La raison? L'utilisation frauduleuse de sa connexion par un autre utilisateur qui télécharge des oeuvres protégées. C'est donc au détenteur de l'abonnement de sécuriser son accès pour éviter toute mauvaise surprise!
Pourquoi le Conseil Constitutionnel a-t-il censuré la loi Hadopi et qu'est-ce que ça signifie ?
Le 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel censure la coupure d'accès internet par une autorité administrative en cas de téléchargement illégal, ce qui réduit à néant la portée de ce texte. Seuls les juges peuvent décréter une telle coupure d'abonnement, qui entrave le droit de communication inscrit dans la déclaration des droits de l'homme, ont tranché les sages du Palais Royal.
Désormais, le gouvernement peut soit promulguer la loi Hadopi, mais sans les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, soit demander une deuxième délibération au Parlement.
Christine Albanel a "pris acte" du "choix du Conseil constitutionnel". Elle a annoncé qu'elle entendait "compléter rapidement la loi", pour confier au juge le dernier stade de la "réponse graduée". Le but: confier à la justice, et non à une autorité administrative, le pouvoir de couper l'accès à Internet en cas de téléchargement illégal!
Après la censure du conseil constitutionnel, le texte complétant la loi Hadopi passera en session extraordinaire à l'assemblée nationale le 20 juillet
Ce texte a été présenté le 24 juin en conseil des ministres en l'absence de Christine Albanel. Il prévoit une procédure judiciaire accélerée, en donnant aux agents Hadopi le pouvoir de constater les infractions, et d'auditionner eux-mêmes les personnes concernées.
De plus, les personnes reconnues coupables d'infractions seront privées pendant un an de connexion internet, avec interdiction de souscrire à un autre abonnement. Ceci sous peine de sanctions allant jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.
L'Assemblée nationale a adopté mardi 15 septembre le projet de loi dit Hadopi 2 contre le téléchargement illégal, par 285 voix contre 225, en attendant un nouveau recours du PS devant le Conseil constitutionnel. Le nouveau ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a déclaré que cette loi allait "protéger le droit face à ceux qui veulent faire du net le terrain de leurs utopies libertariennes".
Les principaux points adoptés
Mesures votées le 12 juin 2009
. Création d'une "Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet" (Hadopi)
. La Hadopi envoie un mail d'avertissement à l'internaute qui télécharge illégalement
. S'il récidive dans les six mois, nouveau mail avec éventuellement lettre recommandée
. La loi veut encourager le développement de "l'offre légale": le délai entre la sortie d'un film en salle et en DVD est ramené à quatre mois contre six actuellement.
Mesures prévues dans Hadopi 2 après la censure du Conseil constitutionnel:
. Le nouveau texte Hadopi II confie au juge le pouvoir de prononcer une suspension de l'accès internet pour une durée d'un an maximum.
. Cela peut se faire par "la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale", sans débat préalable
. L'abonné sanctionné ne pourra pas souscrire un autre abonnement sous peine d'une autre sanction (jusqu'à 30.000 euros d'amende et deux ans de prison pour atteinte "à l'autorité de la justice pénale").
. Le juge pourra être saisi soit par les ayants droit des oeuvres, soit par la Hadopi.
. Le texte crée aussi une contravention sanctionnant la +négligence caractérisée+ du titulaire d'un abonnement qui laisse commettre des téléchargements illégaux sur son ordinateur.
Dite-moi si je suis trop lourd!
hobywen