À l'ombre des absentéistes du Parlement européenLe Point.fr - Publié le 11/04/2013 à 17:36 - Modifié le 11/04/2013 à 20:50
À Strasbourg, il y a ceux qui travaillent assidûment en toute discrétion, et les autres... Revue de détail des bons et des mauvais élèves.
Débat au Parlement européen, en novembre 2010. © FREDERICK FLORIN / AFP
De NOTRE CORRESPONDANT À BRUXELLES, ALAIN FRANCO
"Politicien national, toi qui entres ici avec l'intention de bien faire le travail pour lequel tu as été élu, abandonne tout espoir de gloire dans ton pays !" Ce mot d'ordre devrait être inscrit sur le fronton du Parlement européen. Car le seul organe de l'UE directement élu au suffrage universel a beau être généreux avec ses députés, il n'en est pas moins ingrat en termes de reconnaissance à l'extérieur. "Ce travail rend humble", admet l'UMP Jean-Paul Gauzès.
Peu de gens à Paris connaissent cet eurodéputé, par ailleurs maire de la petite commune normande de Sainte-Agathe-d'Aliermont. À Bruxelles et à Strasbourg, Gauzès est connu pour son travail à l'influente commission parlementaire des Affaires économiques et monétaires, très impliquée dans les réformes de la zone euro. Il siège aux côtés de Sylvie Goulard, élue MoDem, dont le sérieux, la connaissance des dossiers et le sens du débat ne sont plus à démontrer... dans le cercle restreint des eurocrates et des diplomates en poste à Bruxelles. "Ils s'impliquent à fond dans leur job", reconnaît un diplomate. "C'est au niveau des commissions que se fait le travail de fond, c'est là où l'on peut influencer les décisions", explique Jean-Paul Gauzès. "Les réunions de la sous-commission Défense, que je préside, durent de quatre à sept heures. C'est un vrai boulot", précise Arnaud Danjean, de retour d'une mission au Mali.
"Voeu de chasteté médiatique"
Un tour d'horizon des statistiques du site spécialisé VoteWatch Europe, combiné à un sondage rapide à Bruxelles, permet de constater que les élus français sont dans la bonne moyenne, même s'ils sont moins impliqués que les champions de l'assiduité, qui sont allemands. "C'est beaucoup mieux qu'avant", constate Alain Lamassoure, qui en est à son quatrième mandat. Le cas de ce président de la commission des Budgets est assez représentatif. Ancien député et deux fois ministre, il a plus ou moins disparu de l'écran radar des médias généralistes. "Ceux qui veulent bien faire leur boulot au niveau européen doivent faire voeu de chasteté médiatique", plaisante-t-il.
Ce vétéran du Parlement distingue trois types d'élus. "Les assidus, les vedettes politiques nationales qui se cherchent un abri après un accident de parcours et continuent à privilégier Paris aux dépens de l'Europe, et ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre, les militants que l'on récompense." Et quelle récompense ! Un député européen touche 6 200 euros net mensuel, auxquels s'ajoutent 304 euros par jour de présence, 4 300 euros par mois de frais forfaitaires, divers avantages (carte de réduction de deux tiers du prix sur le Thalys, etc.) et 22 000 euros pour rémunérer leurs assistants et secrétaires.
Rachida Dati, "touriste en chef de l'UMP"
Brice Hortefeux est l'exemple parfait du deuxième type : bien présent aux séances plénières, mais en pointe sur aucun dossier. "La touriste en chef de l'UMP, c'est Rachida Dati", lâche un observateur privilégié. L'ancienne garde des Sceaux n'a jamais caché son manque total d'intérêt pour la chose européenne. Certains élus sont à part : Daniel Cohn-Bendit et Joseph Daul président leur groupe politique. Ce qui leur laisse peu de temps pour rédiger des rapports ou des amendements.
Mais au firmament du classement des absentéistes se trouve un quatuor français : Jean-Marie et Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Philippe de Villiers. "Lui, c'est simple, on ne le voit tout simplement plus", témoigne Alain Lamassoure.
Le tableau de la famille Le Pen sur votewatch.eu est impressionnant : une succession de zéros, sauf pour la participation aux séances plénières. Et pour cause : si l'absentéisme aux plénières dépasse les 50 %, les indemnités sont fortement amputées. Le score de Jean-Luc Mélenchon est du même acabit. Tout juste est-il un peu plus présent aux plénières que Marine Le Pen : 66,84 % contre 61,3 %. Sur 74 élus français, de Villiers est lanterne rouge, juste devant Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon est à la 69e place.
"Dans le privé, ils auraient été virés depuis longtemps"
Pire encore, ces pourfendeurs de "l'Europe apatride" ou de l'Europe monétariste et antisociale s'illustrent par leur absence lors des votes importants, comme récemment sur le budget de l'UE ou sur la réforme de la politique agricole commune : deux dossiers pourtant cruciaux pour la France. Au contraire des députés eurosceptiques britanniques, qui ne perdent aucune occasion d'user de leur vote et de leur droit de parole pour conspuer la construction européenne et tenter de faire avancer leur cause, "les Le Pen et Mélenchon ne défendent même pas leurs idées. Où était Mélenchon lorsque le Parlement a plafonné les bonus des banquiers ? Je ne l'ai pas entendu. Choquant !" juge Alain Lamassoure.
Il n'est pas le seul. José Bové s'en est pris au patron du Front de gauche dans la presse et sur son blog. Il s'indigne de ses appels à donner "un grand coup de balai politique" tout en se nourrissant sur la bête européenne. "Du balai pour qui ? Il se prend pour qui ? Il lance l'opprobre à tous les élus, alors qu'on est nombreux à bosser dur", s'étrangle l'élue EELV Michèle Rivasi. "Je n'ai appris qu'il siégeait au Parlement européen que lors de la campagne présidentielle française", rigole l'eurosceptique néerlandais Derk Jan Eppink. "Lui et les Le Pen utilisent l'argent et les structures du Parlement sans rien faire. S'ils étaient dans le privé, ils auraient été virés depuis longtemps."
Jean-Luc Mélenchon a tenu a apporté les précisions suivantes
Nous avons bien lu l' article " A l'ombre des absentéistes du Parlement européen ". Jean-Luc Mélenchon s'y retrouve cité avec Rachida Dati, Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers parmi les absentéistes. Je tiens à vous porter à votre connaissance les éléments suivants qu'un journalisme non partisan devrait faire connaître à ses lecteurs :
Absentéisme ? 69ème sur 74 députés européens français certes mais :
- Avec 66,8 % de présence Jean-Luc Mélenchon est juste derrière Monsieur Cohn-Bendit qui n'a pas mené une campagne présidentielle
- Eva Joly et Marine Le Pen ont-elles aussi mené une campagne présidentielle : elles sont plus absentes que M. Jean-Luc Mélenchon (66,5 % pour Eva Joly et 61,3 % pour Marine Le Pen)
- Chacune des absences de Jean-Luc Mélenchon a une justification [pièces à l'appui, NDLR]. Les plus importantes concernent la bataille contre la réforme des retraites et la campagne présidentielle. Jean-Luc Mélenchon revendique le fait d'être allé manifester auprès des syndicats contre les attaques faites aux droits des salariés. C'est aussi ça être un député responsable.
- Le " mauvais score " de présence de Jean-Luc Mélenchon est aussi en partie dû au fait qu'il n'était pas présent les lundis (il n'y a pas de votes les lundis) jusqu'à cette année. Les journées du lundi commencent à 17 heures pour des débats qui n'en sont pas. Elles sont pourtant comptabilisées comme des journées entières.
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