Conférence sociale : jeux de postures avant l'ouvertureLE MONDE | 05.07.2014 à 11h06 • Mis à jour le 07.07.2014 à 09h43 |
Par Michel Noblecourt
Pierre Gattaz, en août 2013. | ERIC PIERMONT/AFP
Manuel Valls a déclenché une tempête syndicale en paraissant céder à l'« ultimatum » du Medef qui conditionnait sa participation à la conférence sociale des 7 et 8 juillet à un moratoire sur le compte pénibilité. Ce dispositif, obtenu notamment par la CFDT dans le cadre de la réforme des retraites, ne sera entièrement déployé qu'au 1er janvier 2016 au lieu du 1er janvier 2015. Vendredi,
le Medef a levé sa menace et a annoncé sa participation pleine et entière à la conférence sociale.Mais l'arme de l'ultimatum a donné des idées à certains syndicats. Thierry Lepaon, le secrétaire général de la CGT, attaché au principe selon lequel sa centrale doit « être présente partout où les intérêts des salariés sont en jeu », a subi la pression de plusieurs fédérations, dont la métallurgie, hostiles à une présence à la conférence.
Lire les réactions : Les syndicats font grise mine avant la conférence socialeLe 2 juillet, M. Lepaon a écrit à François Hollande, en dénonçant à travers « l'objectif » prêté à M. Valls de « satisfaire les exigences posées par le patronat » une « véritable provocation ». « Nous attendons de votre part, écrivait-il au président de la République, une clarification sur l'ordre du jour et les objectifs que vous assignez à cette conférence sociale. Cette clarification conditionne le sens de nos échanges et celui des ateliers thématiques » du 8 juillet. « C'est un ultimatum », a martelé, vendredi, M. Lepaon sur
France Info.« J'attends de François Hollande, a-t-il ajouté, le respect des engagements pris sur le dialogue social. » Devant la presse, le même jour, il a indiqué que la réponse de M. Hollande « n'est pas de nature à rassurer sur le sens des réformes qu'il entend promouvoir ni sur sa conception du dialogue social. Le contenu de sa réponse interroge forcément participation à la conférence sociale », le bureau confédéral devant prendre une décision lundi.
Dans cette réponse que Le Monde s'est procurée, le chef de l'Etat met en avant les « discussions approfondies » des deux premières conférences sociales qui ont « débouché sur de nombreux accords, dont la CGT a été partie prenante et parfois signataire ». Sur la pénibilité, il voit dans le report partiel « un gage de bonne application effective d'une avancée » qui « a vocation à s'inscrire dans la durée ».
« POKER MENTEUR »Le secrétaire général de la CGT Thierry Lepaon, le 12 mars. | AFP/PIERRE ANDRIEU
M. Hollande a répondu ainsi :
« Ma conception du dialogue social, comme celle du premier ministre Manuel Valls reposent évidemment sur le respect de l'ensemble des partenaires sociaux et des responsabilités qui sont les leurs dans le champ des négociations conventionnelles.
*Je suis tout aussi attaché au respect des engagements réciproques qui en découlent. Je suis convaincu que le dialogue social est la meilleure voie possible pour le redressement de notre pays et c'est avec confiance, mais exigence, que je le rappellerai à tous ».
Dans ce jeu de postures, qualifié de « poker menteur » à l'Elysée, la CGT et FO sont confrontées à leurs contradictions. M. Lepaon participera, lundi, à l'échange entre M. Hollande et les dirigeants syndicaux et patronaux. « Un acte républicain », dit-il. La menace de boycott porte sur les sept ateliers du mardi pour lesquels la CGT a présenté « 94 exigences », signe qu'elle est prête à s'y investir…
Pour participer à la conférence, Jean-Claude Mailly avait posé le préalable qu'elle ne porte pas sur le pacte de responsabilité qu'il dénonce. Il a obtenu gain de cause : aucun atelier n'y est consacré. Mais l'échange avec M. Hollande, auquel le patron de FO se rendra, portera sur le pacte…
Sur sa présence mardi, M. Mailly « n'exclut rien » et assure qu'il « marquera le coup », ce qui pourrait le conduire, comme la CGT, à boycotter le discours de clôture de M. Valls. Quant à Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, qui a reproché à M. Valls d'avoir « cédé à l'ultimatum du Medef », y voyant « une rupture en termes de dialogue social », il écarte ce « sketch » du boycott. Mais il s'y rendra avec « beaucoup de tensions ».
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Journaliste au Monde
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