Mondial : les favelas expulsées de forceUN AUTRE BRÉSIL lundi 2 juin 2014
Le bidonville de Metro, près du stade de Maracana, a été expulsé et détruit © REUTERS / Ricardo Moraes
Nouveaux stades, aéroports rénovés, lignes de transport modernisées… A l'approche de la Coupe du monde, des centaines milliers de personnes ont aussi été expulsées de leurs logements. Reportage à Rio, l’une des villes les plus touchées.
A quelques centaines de mètres du
stade de Maracanã, l’un des plus grands du Brésil et du monde, Eomar regarde un tas de décombres en bordure de route. Il y a quelques mois encore, sa petite maison de briques rouges, qu’il avait lui-même construite, se trouvait là. 19 ans de sa vie. Elle a été démolie comme toutes les autres de cette favela, décrétée "zone à risque". Eomar n’y a jamais cru.
"Le plus grand risque pour nous, c’est surtout que nous étions à 500 mètres du Maracanã… Et qu’ils ne voulaient pas que nos maisons de pauvres l’enlaidissent."
Il raconte une expulsion "très humiliante" :
"Ils ont d’abord fait partir une partie de la communauté pour détruire leurs maisons, puis c’est devenu une terre de non-droit. J’ai vécu 2 ans à côté des insectes, des rats, des drogués, sans eau et sans électricité."
Eomar a ensuite été cambriolé huit fois par des "drogués au cracks qui [le] volaient pendant qu’[il] était au travail". Il a donc décidé de rester chez lui, quitte à perdre son emploi.
La maison construite par Eomar a été détruite © Radio France / Elodie Touchard
Des expulsions peu réglementaires
Au Brésil, les populations pauvres font figure de cibles faciles. Comme elles sont peu éduquées et mal armées pour se défendre, les abus sont nombreux. L’ONU dénonce depuis 2010 des violations des Droits de l’homme dans les favelas, notamment un manque d’information des habitants et un relogement bien au-delà des 7 kilomètres maximum règlementaires. La liste des illégalités est longue. Renata Neder, d’Amnesty International, a lancé la campagne "Stop aux expulsions forcées". Il explique :
"Les familles ont souvent été prévenues au dernier moment. Parfois on leur disait le matin qu’ils devaient quitter leur logement pour le soir même. Et là, elles étaient souvent envoyées à 50 ou 60 kilomètres, ce qui est totalement inacceptable et qui a un impact très négatif sur leur vie."
Renata critique également des indemnisations très faibles dans certains cas, et des pressions psychologiques, voire même des menaces à l’encontre des habitants pour les faire partir.
La ségrégation sociale amplifiée par les grands événements sportifs
Selon de nombreuses associations, les grands événements sportifs sont devenus un prétexte rêvé pour les autorités pour détruire les favelas, embellir la ville et réaliser des projets immobiliers d’envergure, comme des parkings. C’est ce qu’assure Carlos Vainer, professeur de Planification urbaine à l’Université fédérale de Rio.
"On sait qu’à Rio la spéculation foncière aggrave la ségrégation sociale, y compris par des expulsions vers des zones de plus en plus lointaines… C’est ça le terrible leg des Jeux et de la Coupe du monde."
Ces 5 dernières années, plus de 20.000 familles, soit environ 90.000 personnes, ont été délogées à Rio, selon la Mairie. Le maire lui-même a reconnu des abus, et a promis d’y remédier. Des évictions restent programmées en vue des
Jeux olympiques de 2016.
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