#0000cc]]Trente millions d’esclaves dans le monde
[/size] CORDÉLIA BONAL 17 OCTOBRE 2013 À 13:31
Une famille de bergers vivant dans des conditions d'esclavage, souvent depuis des générations, dans le bidonville de Keube, à Nouakchott, en mars 2007. (Photo Finbarr O'Reilly. Reuters)
ANALYSE+DOCUMENTL'ONG Walk Free publie ce jeudi un classement des pays pratiquant l'esclavage moderne, crime méconnu et multiforme.Travail forcé, enfants vendus, jeunes femmes mariées de force, servitude pour dette, enfants soldats... L’esclavage existe encore. Dans sa version dite «moderne», il concerne près 30 millions de personnes dans le monde, selon une enquête d’une nouvelle ONG basée en Australie, Walk Free.
Cet esclavage aux formes multiples est mal connu, pas toujours facile à identifier et encore moins à mesurer. Il demeure loin des regards, derrière les murs des maisons, des communautés, des usines. C’est un crime caché.
Mais toutes ses victimes, souligne l'ONG, ont en commun d’être «utilisées et dominées par quelqu’un d’autre pour en tirer profit, exploitation sexuelle ou simple jouissance de domination».
C’est la première fois que cette organisation publie un classement des pays en fonction de la «prévalence de l’esclavage». L'indice a été établi en combinant trois facteurs : la prévalence estimée de l’esclavage dans chaque pays rapporté à sa population, le mariage des enfants, et les données relatives au trafic d’êtres humains.
LA MAURITANIE, PREMIER PAYS ESCLAVAGISTELe pays abriterait 150 000 esclaves sur une population de 3,7 millions d’habitants. On parle là d’esclavage absolu : des hommes, des femmes, des enfants sont la propriété de leur maître et à leur totale merci. Ils ne peuvent rien posséder eux-mêmes. Ils peuvent être vendus, loués, échangés, offerts. Pire, l’esclavage y est souvent héréditaire. On peut encore naître esclave en Mauritanie. Il est d'autant plus difficile de lutter contre cet état de fait que plupart de ces victimes sont illettrées et n’ont pas connaissance de leurs droits, souligne l’ONG.
QUATORZE MILLIONS D’ESCLAVES EN INDEDeuxième pays le plus peuplé au monde avec 1,2 milliard d’habitants, l’Inde combine pauvreté et système de castes, deux facteurs qui favorisent l’esclavage et en particulier le travail forcé, décrit l'ONG. Nombre d’esclaves le sont au sein de leur village d’origine. Des communautés entières dans des villages du Nord sont forcées de fabriquer des briques, de travailler dans des carrières ou de tisser des tapis. Le mariage forcé est aussi encore très répandu.
L’ONG note cependant des progrès du point de vue de l’arsenal juridique, l’Inde ayant en avril 2013 introduit dans son code pénal la criminalisation de toute forme de trafic humain.
LA FRANCE TOUCHÉE AUSSISelon l’estimation de Walk Free, 8 500 personnes vivent dans les conditions de l’esclavage en France (classée 139e sur 160). A deux reprises, Paris a été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas mis en conformité son droit avec la notion d'«état de servitude», alors que des dossiers d’esclavage moderne passent régulièrement devant la justice française. Il s'agit souvent de jeunes femmes d'origine étrangère employées comme «domestiques» dans des familles riches qui les exploitent et les maltraitent.
En mai dernier, les députés ont finalement adopté un amendement PS créant un crime d’esclavage et de servitude puni de quinze ans de réclusion.
DIX PAYS CONCENTRENT 22 DES 29,8 MILLIONS D'ESCLAVESEn nombre absolu, les dix pays qui comptent le plus d'esclaves sont l’Inde (14 millions d’esclaves) suivie de la Chine (2,9 millions), du Pakistan (plus de deux millions), du Nigeria, de l’Ethiopie, de la Russie, de la Thaïlande, de la République démocratique du Congo (RDC), de la Birmanie et du Bangladesh.
LE BÉNIN, TERRE D’ENFANTS ESCLAVESAu Bénin, pays de 10 millions d’habitants classé 7e du classement de Walk Free, l’âge officiel minimum pour travailler est de 14 ans. L’éducation y est gratuite et obligatoire jusqu’à 11 ans seulement. Aussi des dizaines de milliers d’enfants victimes des trafics humain se retrouvent dans les villes du pays ou dans celles des pays voisins pour y être exploités dans la rue, dans des bordels ou dans des champs de coton. Beaucoup sont aussi «domestiques». Des petites filles placées dans des familles par leurs parents trop pauvres pour s’en occuper se retrouvent bonnes à tout faire dès l’âge de 7 ans.
Le rapport de Walk Free (en anglais)